En acceptant ce poste en Mai 2021, le Ministre des Affaires étrangères, de l’intégration africaine et des Tchadiens de l’Étranger ne s’attendait pas à de tels agissements venant du camp présidentiel. Cette lettre, rendue publique, est adressée au jeune général Mahamat Idriss Déby. Ce dernier s’est autoproclamé président de la République à la tête d’un Conseil militaire de transition de 15 généraux, il y a 17 mois, à l’annonce de la mort de son père et chef de l’État Idriss Déby, tué en se rendant au front contre des rebelles.
« Monsieur le Président, Je vous informe par cette lettre de ma décision de démissionner de mes fonctions de Ministre Des Affaires Étrangères que j’exerce depuis le 02 mai 2021, au sein du gouvernement de Transition » mentionne-t-il d’entame dans sa lettre. Chérif Mahamat Zene a tout de même fait œuvre de reconnaissance envers Mahamat Idriss Déby en ces termes : « À cet instant où je me suis résolu de vous présenter ma démission du gouvernement, je tiens à vous dire combien j’ai été sensible à l’honneur d’en faire partie, combien m’a passionné l’œuvre accomplie aux côtés de mes autres collègues et combien m’a préoccupé la réussite de la lourde mission à moi confiée en cette période de transition, pleine de défis et d’incertitudes pour notre cher pays, le Tchad, dont l’avenir préoccupe aujourd’hui plus que jamais l’ensemble des Tchadiens. »
Le Diplomate poursuit dans sa note de démission en donnant les raisons pour lesquelles il abdique : « Depuis quelques mois, mon engagement et ma volonté de servir mon pays se trouvent contrariés par des initiatives et actions parallèles de certains membres de votre cabinet et du gouvernement, entreprises à mon insu et sur vos instructions. Ces initiatives et interférences répétitives et intempestives ne visent qu’à entraver l’exercice de mes fonctions et empiéter sur les prérogatives qui sont celles de mon département, telles que définies dans le Décret N°058/PCMT/PMT/2021 du 15 juin 2021, portant structure générale du Gouvernement et attributions de ses membres. Devant une situation aussi malsaine que confuse et inacceptable, entretenue à dessein, et dépouillant le département que je dirige de toutes ses prérogatives, et me réduisant à un simple figurant, il ne me parait ni opportun, ni responsable de continuer à occuper mon poste. ».
Chérif Mahamat Zene a été le principal négociateur du pouvoir dans les longues et pénibles tractations ayant abouti, le 8 août, à un accord de paix à Doha avec une trentaine, sur une cinquantaine, de mouvements rebelles. Ce pacte a permis d’associer une partie des groupes armés au Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) ouvert il y a un mois à N’Djamena et censé déboucher sur des élections « libres et démocratiques ».
Dès l’annonce du décès d’Idriss Déby, qui régna d’une main de fer 30 années durant sur le Tchad, la junte avait dissous le Parlement, abrogé la Constitution et limogé le gouvernement pour en nommer un quelques mois plus tard.
Mahamat Déby, adoubé par la communauté internationale, avait aussitôt promis de rendre le pouvoir aux civils par des élections à l’issue d’une « transition » de 18 mois arrivant à terme en octobre, mais renouvelable une fois « si les Tchadiens ne parviennent pas à s’entendre », lors d’un dialogue de réconciliation nationale. Le DNIS s’est ouvert 16 mois après cette promesse, au terme de très laborieuses négociations, mais il est boycotté par une majorité de partis d’opposition, d’organisations de la société civile, qui font défection presque chaque jour et, surtout, par deux des trois mouvements rebelles, les plus puissants.
Dans ce contexte, il est peu probable que les élections aient lieu au terme des 18 mois de transition promis. Chérif Mahamat Zene, 58 ans, a occupé plusieurs postes d’ambassadeur du Tchad, aux Nations unies notamment, avant de servir en tant que ministre de la Communication et par deux fois à la tête de la diplomatie, sous Déby père et fils.