« Depuis la dernière révision constitutionnelle intervenue le 12 janvier 2018, des événements très importants qui ont impactés le fonctionnement régulier des institutions et des pouvoirs publics se sont produits », a expliqué le Premier ministre Rose Christiane Ossouka Raponda. « Ces situations ont conduit la Cour constitutionnelle, organe régulateur du fonctionnement des institutions et des pouvoirs publics, à dégager des solutions provisoires qui aujourd’hui méritent que le constituant s’y penche pour se prononcer sur le fond à l’effet d’éviter à la nation de s’exposer à l’éventualité d’une interruption de la continuité de l’Etat », a-t-elle ajouté.
Concrètement, le projet de révision de la Constitution prévoit qu’en cas de vacances du pouvoir, l’intérim du chef de l’Etat sera assuré par un triumvirat, composé des présidents des deux chambres du Parlement et du ministre de la Défense. L’article 78 nouveau consacre l’immunité à vie du président. Un projet vivement rejeté par l’opposition. Elle s’est fait entendre face à majorité présidentielle conduite par le Parti démocratique gabonais (PDG), qui soutient mordicus cette troisième révision depuis l’accession à la magistrature suprême d’Ali Bongo.
« Devant le peuple gabonais et la communauté internationale, je condamne fermement, sans ambages et en bloc, le principe même de cette révision constitutionnelle, qui est pour moi, du point de vue de la crise politique institutionnelle, nulle et non avenue », a déclaré Jean Ping, challenger d’Ali Bongo lors de la présidentielle de 2016, dans son message du 24 décembre. « La vérité, que désormais Ali Bongo est définitivement inapte et hors course, ne peut plus être ni masquée, ni esquivée. Ainsi donc la vérité des urnes s’impose. Oui ! La vérité des urnes s’est imposée. C’est incontournable ! », a-t-il ajouté, faisant allusion à l’AVC subit par le président Ali Bongo, il y a 2 ans. Toujours dans l’opposition, d’autres voix dénoncent la méthode utilisée par le camp du président Ali Bongo.
« L’issue était connue d’avance », a lâché Séraphin Akure-Davain, député du parti Les démocrates (LD), selon qui, l’opposition gabonaise est surprise de la mise en branle de la procédure d’urgence pour faire adopter ce projet. Il a indiqué que la Constitution peut être modifiée soit par voie référendaire soit par voie parlementaire. Le gouvernement a choisi la seconde option. « Le gouvernement a choisi la voie parlementaire parce qu’ils sont sûrs de gagner », a estimé le député de l’opposition pour qui, le gouvernement a choisi la facilité du fait de sa majorité au Parlement. « Mais, nous avons un petit regret parce que pour une occasion aussi importante, aussi solennelle, le président de la République devait prendre la parole pour expliquer ses raisons aux Gabonais. La parole du président de la République est requise lors des événements politiques importants. Une modification constitutionnelle aurait dû être une occasion pour que le chef de l’Etat s’exprime», a-t-il conclu.
« Il faut d’abord comprendre que ce n’est pas une coutume constitutionnelle que le président de la République prenne la parole à la veille de la modification de la Constitution », a expliqué Guy-Christian Mavioga, le président du Bloc démocratique chrétien (BDC), membre de la majorité présidentielle. « Il s’est exprimé devant ses ministres, il a suggéré à son équipe de faire un projet de loi et cette équipe est commandée par madame le Premier ministre qui s’est fait le devoir d’aller au Parlement », a-t-il ajouté pour expliquer l’attitude du président Ali Bongo. « La sagesse nous renseigne qu’il ne faut pas attendre l’arrivée des problèmes pour tenter de chercher les solutions », a argumenté, le président du BDC, justifiant l’opportunité des réformes apportées à la Constitution.