Dans la longue interview réalisée par Paris Match et publiée jeudi dernier, Nafissatou Diallo l’affirme : “J’ai dit la vérité et j’ai été privée de justice”. En 2011, elle porte plainte contre Dominique Strauss-Kahn, alors directeur général du FMI et favori dans les sondages de l’élection présidentielle de 2012. Elle l’accuse d’agression sexuelle, de tentative de viol et de séquestration. Des faits qu’il aurait commis le 14 mai 2011, dans la désormais célèbre suite 2806 du Sofitel de New York. L’affaire est classée sans suite malgré un rapport médical qui confirme un viol. L’ex-femme de chambre accepte un accord financier (Paris Match évoque un million de dollars, la victime supposée ne confirme pas). Une façon de sortir de cette histoire aussi vite que possible, explique-t-elle.
Au journaliste, elle raconte à nouveau, sans rentrer dans les détails, “l’accident”, comme elle le formule. “Je venais de nettoyer une chambre voisine, la 2820, raconte Nafissatou Diallo. Dans le couloir, je demande au collègue qui sort de la 2806 si elle est libre. Oui, me dit-il. Conformément au règlement, je crie trois fois Housekeeping (entretien des chambres, ndlr). Personne ne répond. Donc j’entre en laissant la porte entrouverte. La suite 2806 est très grande. Je ne vois aucun bagage. Dans le salon, je répète : Housekeeping ! Je m’apprête à entrer dans la chambre, sur la gauche, quand je vois apparaître cet homme nu. Alors, je m’écrie : Oh mon Dieu ! Je suis désolée. Puis tout est arrivé… Et quand cela a été fini, je me suis enfuie en crachant partout”.
Nafissatou Diallo le dit sans détour : « Si DSK avait été pauvre, à la rue, un clochard, il serait aujourd’hui en prison ». Neuf ans après, elle est toujours en colère contre le système judiciaire new-yorkais qui s’est occupé de son cas. Elle dénonce : « J’ai été piégée et trahie. Je ne me remettrai jamais de la façon dont les procureurs de New York m’ont traitée. À cause de ce qu’ils m’ont fait subir, j’ai eu envie de me suicider. J’ai été traitée de prostituée ! »
Nafissatou Diallo veut aider les femmes comme elle
Aujourd’hui, elle souhaite créer une fondation pour « aider les femmes qui, comme moi, sont arrivées en Amérique sans éducation, sans même parler la langue, et qui ont vécu des situations horribles. Je ne m’étais jamais considérée comme une militante féministe, mais je veux que ce qui m’est arrivé serve aux autres ».
Nafissatou Diallo, originaire de Tchiakoullé, en Guinée, a mis les pieds à New York pour la première fois peu après la mort de son époux. Elle a alors à peine vingt ans et a été mariée avec un homme bien plus âgé qu’elle à 14 ans. Sa fille, restée sur place, la rejoindra quelques années plus tard. A 41 ans, elle raconte également l’excision qu’elle a subie enfant, qu’elle condamne, accusant les pressions sociétales qui pèsent sur les épaules des femmes : « Je pense toujours que c’est une pratique inhumaine. Mais dans ma culture, les femmes qui n’en passent pas par-là sont de mauvaises femmes. Quand je suis rentrée (après l’excision), j’en ai beaucoup voulu à mes parents. »
Parmi ses autres projets, l’éventuelle sortie d’un livre, pour confier son histoire. Le journaliste lui demande si elle a “quelque chose à dire à Dominique Strauss-Kahn ?”. Elle rétorque : “Rien. Je n’ai pas envie de savoir ce qui lui arrive. Je ne veux plus penser à lui.”
Une nouvelle étude américaine montre que 6,5% de femmes ont été abusées lors de leur première relation sexuelle. L’âge moyen auquel ces femmes ont subi ces violences sexuelles est de 15,6 ans.
La culture du viol aux USA
Aux Etats-Unis, une femme sur 16 a vécu sa première expérience sexuelle lors d’un viol. C’est la terrible estimation d’une nouvelle étude. Les données se basent sur les déclarations de 13.310 Américaines âgées de 18 à 44 ans, issues d’une enquête nationale réalisée entre 2011 et 2017. L’objectif de cette étude était de déterminer à quelle fréquence les femmes subissent des violences sexuelles lors de leurs premiers rapports, ainsi que les conséquences à long terme sur leur santé psychologique et physique. Si le mouvement #MeToo a permis de révéler la fréquence à laquelle les femmes subissent des viols et des agressions sexuelles, aucune étude récente n’est consacrée à la prévalence de ces violences lorsqu’il s’agit du premier rapport, ni aux conséquences à long terme sur la santé globale de ces femmes, notent les auteurs de l’étude.
Ces femmes étaient en moyenne plus jeunes (15,6 ans) que les jeunes filles qui ont eu des rapports consentis (17,4 ans). Parmi les femmes victimes de violences sexuelles, environ 56% ont précisé avoir reçu des pressions verbales et 25% ont subi des blessures physiques. Par rapport aux femmes qui ont eu un premier rapport consenti, les femmes qui ont été sexuellement abusées présentent des risques plus élevés d’avoir une grossesse non désirée (30,1% contre 18,9%) et d’avorter (24,1% contre 17,3%).
Elles seraient également plus susceptibles d’être atteintes d’endométriose (10,4% contre 6,5%), de développer des troubles de l’ovulation ou des troubles menstruels (27% contre 17,1%) ou encore de contracter une maladie pelvienne inflammatoire (8,1% contre 3,4%).