Si le président Alassane Ouattara a qualifié d’« excellent » le déjeuner de travail avec Emmanuel Macron, l’opposition ivoirienne a, de son côté, insisté sur le silence de l’Élysée à la suite de cette rencontre. Pas de conférence de presse, pas même un communiqué du côté de Paris. Un silence qui laisse grand ouverte la porte à des spéculations que les lignes du communiqué de la présidence ivoirienne n’ont pas pu stopper. « Abordant les relations bilatérales, les deux chefs d’Etat ont noté la nécessité de maintenir la paix et la stabilité retrouvées. Dans ce cadre, l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 doit contribuer, selon eux, à raffermir cette paix et cette stabilité en Côte d’Ivoire », renseigne le communiqué de la présidence ivoirienne.
La question de l’élection présidentielle constituerait la pomme de discorde de la rencontre. Des fuites d’informations de l’Elysée révèlent que le président Emmanuel Macron a confié « craindre que le troisième mandat contesté de son homologue ivoirien puisse susciter des tensions sociopolitiques dans le pays, alors que des violences ont déjà fait plusieurs morts dans différentes localités mi-août ». Clairement, le président français a suggéré à Alassane Ouattara de « procéder à un report du scrutin afin de lui permettre, ainsi qu’à Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, de se retirer ». Ce délai lui donnerait en effet la possibilité de faciliter l’ouverture d’un dialogue avec ses deux principaux opposants et de trouver un successeur pour opérer le « changement générationnel » initialement promis. L’on se souvient que le 5 mars, Emmanuel Macron avait sur son compte Twitter, écrit : « je salue la décision historique du président Alassane Ouattara, homme de parole et homme d’Etat, de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle. Ce soir, la Côte d’Ivoire donne l’exemple ».
L’« exemple » brandi ostentatoirement par Emmanuel Macron, et que donnait la Côte d’Ivoire ce soir-là dans une Afrique où la tentation du 3e mandat est devenue presque contagieuse, a volé en éclats depuis l’annonce de la candidature au scrutin du 31 octobre prochain du président sortant. Et depuis, le chef de l’Etat français s’est muré dans un silence jusqu’à ce qu’il reçoive, le 4 septembre, Alassane Ouattara lors de ce déjeuner de travail qui ne cesse de susciter de nombreux commentaires. Il faut le dire tout haut. Le président candidat de Côte d’Ivoire a refusé les propositions du président Emmanuel Macron. Dès lors, courtoisie diplomatique oblige, l’Élysée s’est abstenu de tout commentaire.
L’opposition ivoirienne, elle, a tiré tous les enseignements du silence de l’Elysée. Pour Guillaume Soro, ex-Premier ministre, et candidat à présidentielle, Alassane Ouattara « a voulu faire une entourloupe à Emmanuel Macron » qui, selon lui, ne s’est pas « fait berner ». Pascal Affi N’Guessan, candidat de l’une des branches du FPI, avait adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron à la veille de cette rencontre pour lui demander de s’exprimer sur la candidature de M. Ouattara qu’il qualifie de « coup de force institutionnel ». « Le président ivoirien parle de convergences de vues avec le président Macron, ne confondrait-il pas désir et réalité ? », ironise sur Tweeter, Jean-Louis Billon, le secrétaire exécutif du PDCI.
En tournant le dos au président Emmanuel Macron, que risquent Alassane Ouattara et la Côte d’Ivoire ?