« Je vais continuer à remplir fermement mes fonctions jusqu’à ce qu’un nouveau Premier ministre soit nommé », a précisé Shinzo Abe, 65 ans, visiblement ému. Face à la presse, il a expliqué subir un retour de son ancienne maladie chronique, la rectocolite hémorragique ou colite ulcéreuse. Lundi 24 août, il avait passé des tests médicaux dans un hôpital de Tokyo, pour la deuxième fois, après un premier passage sept jours plutôt. Sa maladie inflammatoire de l’intestin l’avait déjà forcé à quitter le pouvoir en 2007, après une petite année d’exercice de pouvoir, avant de revenir en décembre 2012. Le 24 août, en matière de longévité au pouvoir, il a dépassé son grand-oncle, Eisaku Sato, premier ministre du Japon de 1964 à 1972.
« Il est déchirant de devoir quitter ce poste avant d’avoir atteint les objectifs fixés », a regretté Shinzo Abe, citant la résolution du problème des Japonais enlevés par la Corée du Nord ou encore celle du contentieux territorial avec la Russie. L’archipel nippon est touché par la pandémie de COVID-19 avec environ 65 600 cas d’infections dans le pays depuis le début de la crise sanitaire pour quelque 1 200 décès.
« Suivre un traitement et être affaibli physiquement fait courir le risque de ne pas pouvoir prendre les décisions et d’obtenir des résultats », a souligné le Premier ministre. Sur le plan économique, dès son retour au pouvoir en 2013, il avait théorisé un programme, les « Abenomics », résumé en trois flèches. Dans son carcan : un assouplissement monétaire sans précédent qui terrassait la déflation, financerait un programme de soutien à l’économie et permettrait de nécessaires réformes structurelles. Shinzo Abe a réalisé les deux premiers volets mais pas le troisième. L’économie est certes au plein-emploi, l’indice boursier de référence a doublé, mais les canards boiteux : banques, agriculture, et énergie n’ont jamais été réformés. Il y a quelques jours, les autorités ont annoncé que le PIB de la troisième puissance économique de la planète avait plongé de 7,8 % au second trimestre, soit 27,8 % en glissement annuel. Outre ses problèmes de santé et la chute de sa cote de popularité, le branle-bas de combat dans les coulisses de son mouvement, le Parti libéral-démocrate (PLD), observé ces derniers jours tendait à indiquer que Shinzo Abe perdait pied et que la course à sa succession était bel et bien lancée.
Il restera en poste jusqu’à la désignation de son successeur, dont les modalités du processus ne sont pas encore tranchées à l’heure actuelle. Plusieurs options sont à l’étude. Le PLD pourrait se choisir un nouveau chef en organisant une élection interne classique, impliquant à la fois ses parlementaires et tous les adhérents du parti au niveau national. Mais face à l’urgence de la situation et aux contraintes liées à la pandémie de coronavirus empêchant les grands rassemblements, le PLD pourrait recourir à un processus électoral réduit et accéléré, où seuls ses parlementaires et élus régionaux seraient invités à participer. Les modalités du scrutin devraient être déterminées dans le courant de la semaine.
En fonction du mode retenu, certains candidats seraient plus favorisés que d’autres. Quelques-uns sont déjà entrés dans l’arène, comme le chef de la stratégie politique du PLD, Fumio Kishida, 63 ans, un ancien ministre des Affaires étrangères plutôt discret, longtemps considéré comme le favori de Shinzo Abe pour lui succéder. L’ancien ministre de la Défense Shigeru Ishiba, 63 ans, est aussi déjà sur les rangs. Surtout populaire auprès de la base du PLD, il risquerait d’être désavantagé en cas d’un vote réduit aux élus du parti. Le vétéran Taro Aso, 79 ans, actuel vice-Premier ministre et ministre des Finances, a en revanche annoncé qu’il ne se présenterait pas. Parmi les autres candidats potentiels figurent le puissant secrétaire général du cabinet de Shinzo Abe, Yoshihide Suga, 71 ans, considéré par beaucoup comme le favori de l’élection, ainsi que l’actuel ministre de la Défense, Taro Kono, 57 ans. Une seule femme est susceptible d’entrer en lice : l’ancienne ministre Seiko Noda, 59 ans, mais ses chances sont jugées minces, tout comme celles de Taro Kono.