L’influent imam Mahmoud Dicko, figure morale dont le rôle a été crucial dans la mobilisation contre Ibrahim Boubacar Keïta, a remercié les militaires putschistes et appelé à « chasser les démons de la division », le 21 août. Installé par les putschistes depuis le 18 août, le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) avait alors, sous les youyous, par la voix de son porte-parole, le colonel-major Ismaël Wagué, annoncé : « nous sommes venus remercier le peuple malien pour son soutien. Nous n’avons fait que parachever le travail que vous aviez commencé ». Enthousiaste, l’opposition s’était alors félicitée du coup d’Etat du 18 août, estimant que le colonel Assimi Goïta, 37 ans, avait « parachevé » sa lutte, et s’était dite prête à élaborer avec la junte une transition politique, que les militaires affirment vouloir de courte durée.
« La junte a affirmé qu’elle souhaite faire une transition de trois ans pour revoir les fondements de l’Etat malien. Cette transition sera dirigée par un organe présidé par un militaire, qui sera en même temps chef de l’Etat », a fait savoir la délégation de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), à l’issue du deuxième jour de négociations avec la nouvelle équipe au pouvoir à Bamako. La délégation de Cédéao dirigée par l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, était depuis le 22 août en terre malienne, pour négocier « le retour à l’ordre constitutionnel ». Au bout de trois jours de négociations, Goodluck Jonathan et sa délégation n’ont obtenu qu’une promesse de libération de l’ex-président. En toute discrétion, le CNSP a décidé de l’opportunité de cet acte scruté par toutes les chancelleries.
Détenu depuis le 18 août au soir, déplacé à plusieurs reprises, c’est finalement le 27 août au petit matin que l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta a été libéré. Il a été ramené par des éléments des forces spéciales maliennes à sa résidence de Sébénikoro, laquelle est sécurisée par la junte. Après avoir écarté l’éventualité d’un retour au pouvoir, Ibrahim Boubacar Keïta a récemment émis le souhait de quitter provisoirement le Mali pour poursuivre un protocole de soins à Abu Dhabi, aux Emirats arabes unis, et le principe de ce séjour a été accepté par le CNSP. En première ligne dans les négociations pour la libération de l’ancien chef de l’Etat malien, la Cédéao a fait de la remise en liberté de l’ex-président un préalable à un assouplissement des sanctions à l’encontre de la junte. Après avoir rempli cette exigence de la Cédéao, la junte militaire attend désormais un retour d’ascenseur de la Cédéao dont un nouveau conclave est prévu le 28 août.
Sous l’action de la Cédéao et de l’ONU, des 19 personnalités emmenées dans le camp militaire de Kati, dans la banlieue de Bamako, trois ont été libérées. « Nous avons autorisé une mission des droits de l’homme de l’ONU au Mali à rendre visite à tous les 19 prisonniers de Kati, y compris l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta et l’ancien Premier ministre Boubou Cissé », déclarait un responsable de la junte. Sur l’identité des deux premiers à être élargis, la source révélait : « nous avons libéré deux prisonniers, l’ancien ministre des Finances et de l’Économie Abdoulaye Daffé et Sabane Mahalmoudou, le secrétaire particulier du président ». Après Ibrahim Boubacar Keïta, il en reste 16 à Kati. Le vent de liberté ne tardera pas à souffler sur leur tête avec l’assouplissement des sanctions contre l’équipe du colonel Assimi Goïta par la Cédéao.