L’histoire improbable se déroule dans la ville de Bertoua, région de l’Est. Alors que Simon avait réussi à trouver de l’argent pour doter sa future épouse, ce dernier a subi une grosse déception. Il a été tout simplement renvoyé par sa future belle famille. La raison ? Le montant de la dot est insuffisant. Le prétendant serait à plus de 7 millions de FCFA de dépenses, selon plusieurs sources.
En effet, la belle famille de Simon a rejeté la dot sous prétexte que c’est très peu pour épouser leur fille. La fiancée en question, Marcelle, serait diplômée en Master 2 de l’Université d’Urbanisation de Lomé au Togo. Un background qui ferait élever les enchères de son mariage pour quiconque voudrait l’avoir comme épouse. La famille du prétendant indignée crie au scandale. A ce prix dans le contexte actuel, il y a de quoi s’inquiéter pour le mariage.
Face à cette situation, Simon peut décider de porter plainte. En effet, la loi camerounaise portant Code pénal tient à limiter les excès avec des peines privatives de liberté et des amendes pécuniaires. De même que peut être punie, toute personne qui reçoit une dot sans avoir remboursé tout prétendant évincé.
Que dit la loi sur les excès liés à la dot?
« Est puni d’un emprisonnement de trois (03) mois à cinq (05) ans et d’une amende de cinq mille (5000) à cinq cent mille (500.000) francs ou de l’une de ses deux peines seulement : Celui qui exige tout ou partie d’une dot excessive à l’occasion du mariage d’une fille majeure de vingt- et- un (21) ans ou d’une femme veuve ou divorcée. » Peut-on lire dans les dispositions de l’article 357, alinéa 4, du code pénal.
La dot au-delà des symboles au Cameroun
Chez les Doualas du Cameroun par exemple, elle compte différentes étapes, chacune dotée d’un sens. Les fiançailles officielles commencent dès que le prétendant a « frappé à la porte » : il s’est présenté au domicile des parents avec force boissons pour effectuer sa demande. Une bouteille est remise au futur beau-père. Si la jeune fille refuse qu’il l’ouvre, tout s’arrête là. Sa réponse est négative. Si elle donne son accord, la bouteille est ouverte. Elle en partage les premières gorgées avec son fiancé, en présence de représentants des deux familles.
Suivent des pourparlers pour fixer les montants de la dot et des prestations à fournir, dont la dernière, « le sel des femmes ». « Une femme ne se sent réellement mariée qu’à partir du moment où son mari a remis le sel, dont on connaît la valeur à la fois économique et symbolique, précise Jacqueline Moutome-Ekambi. Les enfants sont légitimé par le sel car il clôture les dons du mari et signifie que ce dernier est libre de dettes à l’égard de sa belle-famille. »
Pour Thérèse Locoh, démographe et spécialiste de l’étude des populations africaines, « il s’agit en fait du fait du “prix de la mariée” : l’homme donne des présents à la famille de la femme en compensation de la perte de celle-ci ». Rien à voir donc avec la dot au sens occidental ou indien du terme, qui désigne l’argent ou les cadeaux offerts par la famille de la femme au mari.
Une coutume dévoyée par le pouvoir de l’argent
Le phénomène de la dot monétisée s’est répandu comme une traînée de poudre aux quatre coins du continent. Les témoignages abondent, du Bénin à l’Afrique du Sud, en passant par le Ghana, la République démocratique du Congo et le Sénégal. Dans ce dernier pays, la dot n’est exigée que si les époux le décident : une modeste somme de 3000 francs CFA ( à peine cinq euros) attribuée à l’épouse et des frais de réjouissances fixés à 15 000 francs CFA (23 euros) pour convoler en justes noces. Mais dans la pratique, ces dispositions de la loi ne sont jamais respectées. Le prix de la mariée atteint parfois plusieurs millions de francs CFA. Le jeune Sénégalais Ibrahima en sait quelque chose, il s’est marié en 2018 au prix fort.
“J’ai apporté une dot d’un montant de 500 000 francs CFA (760 euros) à ma fiancée. Mais son père m’a rendu ma dot. Il me réclamait un million (1520 euros) pour sa cadette”, témoigne-t-il sur le site d’information Teranga News. Il en a gardé un très mauvais souvenir.
Des jeunes dénoncent une pratique archaïque
Sur les réseaux sociaux, la colère gronde. Des jeunes Africains, femmes et hommes confondus, dénoncent une pratique devenue archaïque. “Non, nous ne sommes pas des marchandises à vendre”, clament-ils. Ils dénoncent une coutume dévoyée qui avilit la femme et qui encourage les violences conjugales.
“La marchandisation de la femme crée parfois des problèmes après le mariage. Certains hommes pensent que la dot dont ils s’acquittent leur donne le droit de vie et de mort sur leurs femmes”, reconnaît le député béninois Nazaire Sado. Faut-il interdire purement et simplement la pratique de la dot, comme le souhaitent les détracteurs de cette coutume ? Pas du tout, répond, sans hésiter, la Béninoise Isabelle Akouhaba Anani. Professeur à l’université d’Abomey Calavi au Bénin, elle a consacré une étude très fouillée à la question de la dot en Afrique de l’Ouest. Elle fait remarquer que même dans les pays comme la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, où la pratique de la dot est formellement interdite par la loi, cette coutume traditionnelle est pratiquée au vu et au su de tout le monde.
“En Côte d’Ivoire, l’interdiction est assortie de sanctions pénales qui vont de six mois à deux ans de prison et des amendes. Mais je doute qu’un juge ivoirien puisse mettre en prison ceux qui contreviennent à cette interdiction. La pratique est solidement ancrée dans la coutume du pays”, explique Isabelle Anani.
La dot est d’abord et avant tout symbolique. Elle renvoie à des réalités multiples et variées selon qu’on soit d’un espace géographique à un autre, d’une époque à une autre ou encore d’une société à une autre. Partant du principe biblique selon lequel « l’homme mangera à la sueur de son front », la société traditionnelle africaine a institué la dot qui représente l’effort que le futur marié doit fournir pour acquérir sa femme. L’homme obtiendra donc une femme après avoir versé la dote