À l’ouverture de la convention nationale des républicains, le président Donald Trump a officiellement été investi, lundi 25 août 2020, comme le candidat du parti pour la présidentielle de novembre, avec un vote unanime des délégués. Mais la vérité est plus contrastée. Ces derniers mois, des visages connus du parti présidentiel ont multiplié les défections et annoncé qu’ils voteraient pour le candidat démocrate Joe Biden.
Le matin même de l’ouverture de la convention, 27 anciens élus républicains ont ainsi annoncé la création des Républicains pour Joe Biden. Parmi lesquels Charlie Dent, l’ancien représentant de Pennsylvanie, l’État de naissance de Joe Biden ou encore l’ancien sénateur de l’Arizona, Jeff Flake.
« C’est parce que je suis conservateur, parce que je crois en la Constitution et en la séparation des pouvoirs, et parce que la conduite et le comportement de notre président actuel m’inquiètent que je soutiens avec fierté et sans réserve – Joe Biden, afin qu’il soit notre prochain président des États-Unis d’Amérique », a justifié Jeff Flake, dans un long message. Le moment choisi traduit une volonté claire : briser la dynamique dont aurait pu bénéficier Donald Trump à l’occasion de la Convention.
« S’annoncer ainsi le jour de la Convention est terriblement bien choisi. Jeff Flake veut court-circuiter la communication de Trump qui voulait faire de la Convention républicaine ‘son’ moment, alors que le Covid-19 le prive de meetings », explique Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, aux micros de nos confrères de France 24.
Les initiatives se multiplient
“Les Républicains pour Joe Biden” sont loin d’être le seul groupe constitué pour faire battre dans les urnes le 45e président. Depuis mai 2020, les “Republican Voters Against Trump” (Les électeurs républicains contre Trump) publient régulièrement des témoignages d’électeurs déçus de Donald Trump afin d’empêcher un second mandat. Lancé en janvier 2020, le Lincoln Project, en référence au président qui a unifié le pays après la Guerre civile, utilise quant à lui une autre arme : la diffusion en masse de vidéos chocs. La mission du Lincoln Project est de vaincre Trump et le trumpisme, point final”, explique la directrice exécutive Sarah Lenti. Ils ciblent les électeurs républicains et indépendants dans les États-clés de la prochaine présidentielle, afin de les convaincre de voter Biden ou s’abstenir. Et l’organisation sait manier les images. Dans la vidéo Deuil en Amérique, produite en pleine pandémie de Covid-19 et vue plus de 3,5 millions de fois, on y voit des malades du coronavirus emmenés sur des brancards, des Américains désœuvrés dans des files d’attente, sans emploi.
Joe Biden souhaite rassembler
Le Lincoln Project a levé près de 20 millions de dollars de fonds. De quoi poursuivre ses attaques en règles contre le président américain. Face aux réactions de ce dernier, Joe Biden peut, quant à lui, se poser en rassembleur de l’Amérique divisée par Donald Trump. « L’actuel président a drapé l’Amérique dans les ténèbres bien trop longtemps. Trop de colère, trop de crainte, trop de divisions », expliquait Joe Biden lors de son discours d’investiture, promettant d’être un candidat démocrate mais un président américain.
De manière inédite, plusieurs personnalités républicaines ou anciennement affiliées au parti ont été autorisées à prendre la parole lors du grand raout virtuel démocrate. Colin Powell, secrétaire d’État de George W. Bush, a ainsi fait part de sa préférence pour Joe Biden, convaincu qu’il restaurera des valeurs à la Maison Blanche.
Dans une vidéo surprise, Cindy McCain, veuve de l’ancien sénateur de l’Arizona et ex-candidat républicain à la présidentielle 2008, a également fait l’éloge de Joe Biden. Si elle ne lui a pas formellement apporté sa voix, elle a souligné l’amitié improbable” qui liait le candidat démocrate à son défunt mari et sa capacité à surmonter les clivages.
John Kasich, ancien gouverneur de l’Ohio battu par Donald Trump lors de la primaire républicaine de 2016, n’a quant à lui pas eu de pudeur à apporter son suffrage au démocrate. Il a décrit son opposition au 45e président des États-Unis comme patriotique : « Je suis un républicain à vie, mais cet attachement arrive en deuxième place derrière ma responsabilité envers ce pays », a-t-il déclaré, ajoutant voir en Joe Biden “un homme qui peut nous aider à voir l’humanité chez l’autre”.
“Il y a toujours des prises de guerre lors des conventions mais qu’il y ait autant de gens d’importance, c’est inédit même si, que ce soit la veuve McCain ou John Kasich, cela reste des proches de Joe Biden”, note Jean-Eric Branaa. “Ce qui est intéressant, c’est que même s’il s’agit d’anciens élus, ils disposent encore de réseaux au sein de leurs États-clés. Ça ne sera pas un mouvement de fond ou un raz-de-marée mais si c’est serré, cela pourrait faire la différence. Et ça sera serré en Pennsylvanie (État de Charlie Dent) et en Ohio (État de John Kasich).”
Rallier les républicains au risque de s’aliéner l’aile gauche?
“Que la convention démocrate laisse parler des républicains connus qui soutiennent Biden vise à envoyer le message qu’il est une figure d’unité et que son opposant est si extrême que des membres de son propre parti ont fui”, explique Michael Beschloss, historien, spécialiste des élections présidentielles pour NBC News. “Les ralliements de ce type pèsent certes moins que par le passé mais les démocrates utilisent les républicains comme John Kasich pour suggérer que Donald Trump est trop extrême, tandis que Joe Biden est un refuge dans la tempête.”
Mais cet affichage des républicains lors de la Convention démocrate a fait grincer quelques dents. L’aile progressiste du parti a ainsi déploré que ces figures du parti concurrent aient eu davantage de temps de parole qu’Alexandria Ocasio-Cortez, l’élue de New-York, superstar des réseaux sociaux et égérie des progressistes.
La communauté noire peut-elle faire basculer le vote?
La mobilisation des électeurs noirs devrait dont jouer un rôle clé pour déterminer le vainqueur entre Joe Biden et le président républicain, le 3 novembre. Un scrutin qui sera marqué par la confluence de crises historiques: la pandémie de Covid-19 qui frappe particulièrement les Afro-Américains, la récession économique et le mouvement historique de colère contre le racisme et les violences policières.