Progressivement, le décor de la présidentielle en Côte d’Ivoire se plante. Après le Front populaire ivoirien (FPI), le Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement des démocrates (PDCI-RDA), c’est au tour du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), d’investir son candidat. Alassane Dramane Ouattara (ADO) a été porté en triomphe le 22 août dans un stade Félix Houphouët Boigny plein à craquer, à Abidjan. Pour cette circonstance historique, ADO a, pendant de longues minutes, prononcé un discours conquérant devant des militants surexcités.
« Je dois avouer que j’ai vraiment pris le temps de la réflexion et je me souviendrai toujours que le président Houphouët me disait, qu’à l’occasion des décisions importantes, difficiles, qui engagent la nation, il fallait tenir compte de trois choses : sa conscience, l’intérêt de la nation et Dieu. J’ai donc procédé à une introspection et je me suis dit : qu’aurait fait le président Houphouët-Boigny ? Je suis arrivé à la conclusion que je n’avais pas le droit de mettre mes projets personnels au-dessus de la situation d’urgence dans laquelle se trouve notre pays. Et c’est pourquoi, en mon âme et conscience, et par devoir citoyen, j’ai décidé de répondre favorablement à votre appel », a confié ADO, pour justifier une acceptation d’investiture perçue comme un « cas de force majeure » suite au décès du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, alors candidat désigné du RHDP. « A moins de quatre semaines du dépôt des candidatures, il nous était difficile d’organiser des primaires pour désigner un candidat qui fasse l’unanimité », a-t-il fini de justifier. Se tournant vers ses adversaires, ADO n’a pas été tendre.
« Certains sont candidats mais cela fait 10 ou 20 ans qu’ils ne travaillent plus. Que pensent-ils pouvoir apporter à la Côte d’Ivoire ? Rien », a asséné ADO dans une allusion à peine voilée à Henri Konan Bédié, 86 ans, candidat du PDCI. « Pas besoin de mettre des troncs d’arbres, de casser des bus ou de brûler des maisons pour empêcher quelqu’un d’être candidat. Ils font cela parce qu’ils ont peur », a-t-il ajouté pour répondre aux artisans des violences qui enflamment, ces derniers temps, certaines villes du pays depuis l’annonce de sa candidature, le 6 août dernier. « Tous les observateurs de bonne foi savent qu’étant dans la 3e République, rien ne m’empêche d’être candidat. C’est le cas pour mes prédécesseurs s’ils remplissent toutes les conditions car il n’y a pas de rétroactivité dans la Constitution », a-t-il lancé, évoquant le cas Laurent Gbagbo. L’ancien président ne sera pas autorisé à se porter candidat, notamment parce qu’il a été rayé des listes électorales. Un recours déposé par ses proches a été rejeté. La Commission électorale indépendante (CEI) a justifié cette décision par le fait que Gbagbo, acquitté par la Cour pénale internationale (CPI), a été condamné à 20 ans de prison par la justice ivoirienne pour le « braquage » de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest pendant la crise postélectorale de 2010-2011. « Parce qu’on ne peut pas gagner, on veut brûler le pays », a lâché ADO, concluant les piques contre ses adversaires. Ils n’étaient pas les seuls à être servis.
« Certaines voix se sont élevées pour contester ma candidature à travers des interprétations erronées de la constitution de la troisième République », a révélé ADO avant de s’interroger : « qui peut oser dire qu’il connait mieux la Constitution que moi ? ». Un éclairage du pédagogue a conclu cette question : « c’est grâce à la Constitution de la troisième République que, Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo, et Alassane Ouattara, peuvent être candidat à la présidentielle, à condition de respecter les autres conditions ». Malgré ces justifications, cette décision, pas forcément bien perçue par la communauté internationale, risque fort de ternir son image. « Il a déjà raté sa sortie », juge un diplomate occidental. Quoi qu’il en soit ADO ne fait pas mystère de ses objectifs : l’emporter au 1er tour de l’élection présidentielle du 31 octobre. Il devrait déposer en personne sa candidature ce lundi, avant de prendre quelques jours de repos. « Le 31 octobre, ce sera un coup KO », a-t-il conclu, suscitant les acclamations de la foule.