Vendredi 21 août, les rues de Bamako étaient bondées de manifestants sortis dire merci à la junte militaire pour les avoir « libérés du joug » d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Fort de ce soutien, la junte a déclaré « attendre la délégation de la Communauté économique des Etats d´Afrique de l´Ouest avec plaisir ». La mission de la délégation de la Communauté économique des Etats d´Afrique de l´Ouest (Cédéao) consiste à mener des discussions et « faire comprendre aux responsables de la junte militaire que les temps de prise de pouvoir par la force sont révolus dans notre sous-région », a précisé le président du Niger, Mahamadou Issoufou, président en exercice de la Cédéao. Il sera aussi question de demander « la mise en œuvre immédiate d’un ensemble de sanctions contre tous les militaires putschistes et leur partenaires et collaborateurs ».
Lors de la réunion en vidéoconférence, le président Mahamadou Issoufou a été clair. « Nous demandons le rétablissement du président Ibrahim Boubacar Keïta en tant que président de la République », a-t-il annoncé, pour préciser la principale mission de la délégation de haut niveau de l’instance sous-régionale. Si du côté de la Cédéao le « retour immédiat de l’ordre constitutionnel » est impérieux, du côté de la junte militaire, l’heure est au retour au calme et à la stabilisation du Mali. Sur France 24, le porte-parole du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) a confié craindre une récupération de l’actuelle situation par les groupes djihadistes. « C’est notre hantise, voilà pourquoi on demande aux partenaires à continuer à nous aider pour stabiliser », a-t-il souligné vendredi. Dans la logique d’un retour au calme, le colonel Assimi Goïta, chef du CNSP a autorisé « la réouverture des frontières aériennes et terrestres à compter du vendredi 21 août à 00 h 00 », et promis depuis mercredi dernier, d’organiser des élections dans un « délai raisonnable ».
L’appel formulé par le président français pour que le pouvoir soit « rendu aux civils », sans pour autant préciser les civils en question, semble conforter la junte militaire. Lors d’une conférence de presse au côté de la chancelière allemande Angela Merkel au Fort de Brégançon, Emmanuel Macron a fait une importante mise point. « La France n’a pas à se substituer à la souveraineté malienne », a soutenu le président français, conscient que la présence de l’armée de son pays est parfois mal perçue dans cette zone. Comme pour calmer la hantise déplorée par le porte-parole de la junte militaire, le président français a assuré que « rien ne doit nous divertir de la lutte contre les djihadistes ». Au demeurant, le président Emmanuel Macron a clairement « condamné un coup d’Etat militaire contre un président démocratiquement élu par son peuple ».
Le 27 juillet déjà, la Cédéao pour calmer la crise qui rongeait progressivement le pouvoir de IBK, avait pris une série de mesures pour le Mali. L’exécution de certaines a malheureusement été stoppée par la mutinerie partie du camp militaire de la ville-garnison de Kati. Ces mesures portaient sur « la démission immédiate des 31 députés dont l’élection est contestée y compris le président du Parlement », « une recomposition rapide de la Cour constitutionnelle, conformément aux dispositions constitutionnelles du Mali », « la mise en place rapide d’un gouvernement d’union nationale avec la participation de l’opposition et de la société civile », « la mise en place rapide d’une commission d’enquête pour déterminer et situer les responsabilités dans les violences qui ont entraîné des décès et des blessés les 10, 11 et 12 juillet 2020 ainsi que les destructions des biens publics et privés » et « la mise en place d’un Comité de suivi de toutes les mesures prises qui comprendra des représentants du gouvernement, du parlement, de la société civile, de la magistrature, du M5-RFP, des femmes et des jeunes, avec la participation de l’Union Africaine et des Nations unies, sous la présidence de la Cédéao ». La nouvelle délégation de la Cédéao a véritablement du pain sur la planche au Mali.