En matière de coup d’Etat, tout particulièrement dans un pays qui a développé certaines traditions à cet égard, c’est une petite innovation : au lieu d’être annoncé par des militaires, le renversement qui a eu lieu au Mali, mardi 18 août, a été officialisé avec toutes les apparences de la bonne volonté et, de surcroît, des remerciements, par celui qui venait d’en être la victime. Ibrahim Boubacar Keïta a annoncé lui-même sa démission. Sur les ondes de l’ORTM, la radio-télévision nationale, le chef de l’Etat entre les mains de soldats mutins a remercié, « le peuple malien de son accompagnement au long de ces longues années », avant d’annoncer qu’il démissionnait de toutes ses fonctions et de déclarer la dissolution de l’Assemblée nationale et celle de son gouvernement, dirigé par un premier ministre, Boubou Cissé, arrêté en même temps que lui. Une déclaration qui marque le début d’une grande période d’incertitude.
Les Maliens ont, le lendemain, eu le cœur net sur la suite des événements. Le colonel Assimi Goita, s’est présenté comme le chef de la junte qui a renversé la veille le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Lors d’une conférence de presse au siège du ministère de la Défense à Bamako, cet officier malien s’est présenté comme le président du Comité national pour le salut du peuple. « Je me présente : je suis le colonel Assimi Goita, le président du Comité national pour le salut du peuple », a déclaré le nouvel homme fort, entouré de militaires armés, après avoir rencontré des hauts fonctionnaires au siège du ministère de la Défense. Le colonel Goita était déjà apparu à la télévision dans la nuit de mardi à mercredi lors de l’annonce par un groupe de militaires de la création de ce comité qui a poussé à la démission le président IBK, mais il n’avait pas pris la parole.
« Il était de mon devoir de rencontrer les différents secrétaires généraux pour que nous puissions les assurer de notre soutien par rapport à la continuité des services de l’Etat », a-t-il expliqué. Après avoir muselé IBK les militaires souhaitent un retour au calme et promettent une transition politique et des élections générales dans un « délai raisonnable ». « Le Mali se trouve dans une situation de crise sociopolitique, sécuritaire. Nous n’avons plus le droit à l’erreur. En faisant cette intervention hier, nous avons mis le pays au-dessus de tout, le Mali d’abord », a-t-il poursuivi. Le patron des putschistes a annoncé la fermeture des frontières et l’instauration d’un couvre-feu. Il a appelé les Maliens à « vaquer librement à leurs occupations » et à « reprendre sainement leurs activités ». La situation au Mali est suivie de près par la communauté internationale.
Emmanuel Macron a estimé que « la lutte contre les groupes terroristes et la défense de la démocratie et de l’Etat de droit sont indissociables. En sortir, c’est provoquer l’instabilité et affaiblir notre combat. Ce n’est pas acceptable ». Le président français souhaite que le pouvoir soit « rendu aux civils », que « des jalons soient posés pour le retour à l’ordre constitutionnel » et que le président malien et son Premier ministre soient libérés. La force « Barkhane » continue son travail pour l’instant. L’état-major français, qui déploie 5 100 hommes au Mali pour lutter contre les groupes terroristes au Sahel, assure que « les opérations ne sont pas interrompues ». Le Conseil de sécurité des Nations unies a appelé mercredi les soldats mutinés au Mali à « regagner sans délai leurs casernes » et à libérer « immédiatement » tous les dirigeants arrêtés. Lors d’une réunion d’urgence à huis clos, les pays membres ont également « souligné la nécessité pressante de rétablir l’Etat de droit et d’aller vers un retour de l’ordre constitutionnel ».