Depuis quelques temps, les gestes du président Paul Biya sont minutieusement auscultés. L’image de son entrée dans la salle des conférences du palais de l’Unité pour présider les travaux du récent Conseil supérieur de la magistrature, tenant lui-même son parapheur de la main gauche, a été perçue comme une volonté de démontrer qu’il est le seul capitaine à bord du navire. Par la même occasion il réduisait au silence toutes rumeurs sur une gouvernance par procuration, ou montée en puissance de quelques délégataires. En portant à la tête du Tribunal criminel spécial, Annie Noëlle Bahounoui Batende, le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire et du bon fonctionnement de cette institution de l’Etat a sans doute jeté un coup de froid au dos des membres du gouvernement au soir du 10 août 2020.
Première femme à occuper ce poste, la magistrate de quatrième grade a été juge d’instruction dans cette juridiction spécialisée dans la lutte contre la corruption et les détournements de biens publics au Cameroun. C’est à ce titre que le 31 mars 2014, elle entend un certain Louis Bapès Bapès, alors ministre des Enseignements secondaires. Au terme de l’audition, elle émit un mandat de dépôt et le ministre, encore en fonction, fut placé en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé. Le Cameroun tout entier retint son souffle suite à un acte inédit.
L’audience accordée au Premier ministre, Joseph Dion Ngute, par le président de la République, le 14 août, est loin d’avoir livré tous ses secrets. « Ceux qui ont vu la présence du Premier ministre chez le président de la République comme la preuve d’une ultime consultation avant la publication dans les heures qui suivent du nouveau gouvernement, font preuve d’une grosse ignorance parce que, le Premier ministre et le chef de l’Etat ont une rencontre hebdomadaire, les jeudi ou vendredi pour faire le point de la gestion du pays. Que le président de la République soit à Yaoundé ou à Mvomeka’a, ce point se fait », explique une source au palais de l’Unité. En effet après la folle rumeur s’étant emparée de la cité capitale, au soir du 14 août, sur l’imminence d’un remaniement ministériel, l’on apprend que le président Paul Biya a validé le calendrier des congés administratifs de l’an 2020 que lui a présenté le Premier ministre, Chef du gouvernement.
« Depuis le 10 août, et jusqu’au 26 septembre prochain, les membres du gouvernement vont en vacances. Chacun a droit à 15 jours. Bien évidemment que tout le monde ne va pas au même moment. Les départs se font en petit groupe, certains ministres devant assurer l’intérim à la tête d’autres départements ministériels », renseigne cette source. Bien que déjà restreints par la crise sanitaire de COVID-19, les déplacements des membres du gouvernement sont surveillés de près. Pas de voyage hors du pays, sauf cas de force majeure. Cette clause ravive les supputations d’un remaniement ministériel et de son corollaire, l’« Opération épervier ».