« C’est vrai que j’ai gardé le silence, mais je suis là ! Je suis ébranlé, mais pas anéanti. Après la perte de plusieurs personnes de sa famille, il faut vraiment être fort pour être encore là comme je le suis. Je vois et j’écoute et je suis tout », signe Charles Konan Banny pour son retour dans l’arène politique. L’économiste et homme politique a été frappé par la disparition de plusieurs membres de sa famille, notamment Jean Konan Banny, son frère aîné et ancien ministre de la Défense dans les années 1960, décédé le 27 mai 2017 à l’âge de 88 ans. Jean Félicien André Banny, son fils alors âgé de 34 ans est décédé, le 9 novembre 2019, à la suite d’un accident de la circulation au Plateau à Abidjan. En avril, Banny Yao Zadjéhi Marc-Aubin, fils de Jean Konan Banny, alors ambassadeur avec résidence à Vienne a été emporté par un cancer de la gorge. Après ce vent de malheurs, l’un des acteurs majeurs de la scène politique en Côte d’Ivoire a renoué avec l’action et affiche clairement ses intentions.
« Je veux que la Côte d’Ivoire revienne aux Ivoiriens. Je vais contribuer à mettre fin au communautarisme, au tribalisme, au sectarisme ethnique. Depuis 2015 , j’ai dénoncé cette Commission électorale indépendante et notamment la liste électorale », martèle Charles Konan Banny. S’il soutient qu’en 2020, la liste électorale contient plus de 900 mille inscrits qui ne doivent pas y figurer, sa formation politique, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA) marque son étonnement à la suite de la radiation du président Laurent Gbagbo de la liste électorale provisoire 2020. Au terme de l’audience accordée au secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI), Assoa Adou, par le président Henri Konan Bédié, le 4 août, deux annonces fortes ont été faites et seraient le terreau d’une future alliance entre les deux formations politiques. D’abord, le PDCI-RDA a réaffirmé son soutien au président Laurent Gbagbo et marqué sa solidarité au FPI dans sa lutte actuelle pour la restauration de la dignité du président Laurent Gbagbo. Ensuite, le PDCI-RDA a marqué au FPI son accord pour prendre part aux actions prévues par celui-ci en vue de rétablir le président Laurent Gbagbo dans ses droits mais également pour son retour en Côte d’Ivoire. Raison pour laquelle Charles Konan Banny pense que « c’est le PDCI-RDA qui doit prendre la tête du mouvement du changement ».
Le changement de cap, mieux la déchirure est désormais perceptible entre Charles Konan Banny et Alassane Ouattara, amis depuis les années 1970, économistes, et se revendiquant tous fils d’Houphouët Boigny. « Alassane Ouattara et moi, nous ne sommes plus amis, nous ne sommes plus frères. Parce-qu’un ami ne fait pas ce qu’il fait, un frère ne fait pas ce qu’il fait », révèle Charles Konan Banny. Il a notamment été l’un des rares à pouvoir faire campagne pour Alassane Ouattara dans le centre du pays lors du second tour de l’élection de 2010, convaincu qu’il était de la sincérité du projet de rassemblement et de et réconciliation de tous les Ivoiriens porté par son ami d’alors. « Je pensais qu’il allait rompre avec des pratiques d’un autre âge », soutient Konan Banny qui déplore un « détachement des libertés publiques » chez son ami d’hier.
Subodorant que « le président Ouattara va essayer d’imposer sa candidature », Charles Konan Banny trouve en Henri Konan Bédié la seule alternative au « communautarisme favorisant un groupe ethnique », prôné par l’actuel président. « En tous cas, moi je ne suis pas rancunier. Je suis fils du président Félix Houphouët Boigny, homme de paix », lance-t-il pour conclure une longue motion de soutien à Henri Konan Bédié.