«Le Dr. Succès Masra est nommé Premier ministre, chef du gouvernement de transition», a annoncé sur la chaîne de télévision d’État le secrétaire général à la présidence de la République, Mahamat Ahmat Alabo. Le président du parti «Les Transformateurs» avait été parmi les plus virulents opposants au pouvoir militaire en place depuis deux ans et demi, après la mort d’Idriss Déby Itno, en avril 2021.
Quelques jours avant le scrutin, Succès Masra avait publiquement appelé son camp à voter oui au référendum pour une nouvelle constitution promulguée le 29 décembre 2023, étape-clé censée ouvrir la voie à des élections.
Table rase du passé
Le 20 octobre 2022, des manifestants, partis du siège des Transformateurs, avaient protesté contre le maintien des militaires au pouvoir, qui venaient de faire prolonger de deux ans une transition de 18 mois au terme de laquelle ils avaient initialement promis de rendre le pouvoir aux civils par des élections.
Une cinquantaine de personnes avaient été tuées ce jour-là selon les autorités, entre une centaine et 300 selon l’opposition et des ONG locales et internationales, pour la quasi-totalité des jeunes manifestants tués par balles par les militaires et les policiers, essentiellement à N’Djamena. Comme plusieurs autres leaders de l’opposition, Succès Masra avait été contraint de s’exiler quelques jours après et n’avait pu revenir dans le pays le 3 novembre 2023 qu’à la suite d’un accord de réconciliation signé à Kinshasa le 31 octobre.
En République démocratique du Congo, le gouvernement tchadien s’engageait à garantir «le libre exercice de ses activités politiques» à Masra qui lui disait vouloir «continuer le dialogue (…) en vue d’une solution politique pacifique». Plusieurs partis de l’opposition avaient pris leurs distances avec lui, exprimant également leur désaccord sur l’amnistie générale prononcée pour «tous les Tchadiens, civils et militaires» impliqués dans les évènements du 20 octobre 2022.
Nouveau gouvernement
24 heures après sa nomination, Succès Masra a dévoilé la nouvelle équipe dirigeante composée de 41 ministres, dont 5 ministres d’État et 11 secrétaires d’État. Une équipe qui ressemble dans les grandes lignes à l’équipe de Saleh Kebzabo, Premier ministre démissionnaire. L’expérimenté diplomate Mahamat Saleh Annadif continuera de mener la diplomatie tchadienne. Le triptyque défense-administration du territoire-sécurité publique ne bouge pas avec Dago Yacouba, Limane Mahamat et Mahamat Charfadine… Parmi les autres figures : l’ex-chef rebelle Tom Erdimi demeure ministre de l’Enseignement supérieur, Tahir Hamid Nguilin aux Finances, et Mahamat Assileck Halata à l’Aménagement du territoire. Statu quo aussi pour les hydrocarbures, les mines, la santé, les transports, l’environnement, la culture ou la fonction publique.
Abderaman Koulamallah, lui, retrouve le ministère de la Communication, que quitte Aziz Mahamat Saleh au profit des Infrastructures. La Justice échoit à Abderahim Breme Hamid, actuel secrétariat exécutif de l’Autorité du Bassin du Niger. Il sera accompagné d’un secrétaire d’État, Béni Sitack Yombatina. Ce cofondateur du parti les Transformateurs est un des quelques proches que Succès Masra a pu inclure dans son gouvernement, avec le ministre de l’Économie, Mahamat Assiouti Abakar, et celui de l’Éducation nationale, Ndolembai Sadé Njesada.
À la sortie de son entrevue avec le président Mahamat Idriss Déby Itno, Succès Masra a déclaré : «la première des choses est de remettre les enfants à l’école. Une fois que les enfants sont à l’école, les adultes peuvent travailler ensemble pour dialoguer».