Le faiseur de roi est devenu roi ! Bola Tinubu, le candidat du parti au pouvoir, a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle au Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique. Après trois jours de contestation du scrutin, la commission électorale a annoncé que Bola Tinubu, du Congrès des progressistes (APC), avait cumulé plus de 8,8 millions de voix, remportant l’une des élections les plus disputées de l’histoire démocratique du Nigeria. Atiku Abubakar, le candidat de la principale formation de l’opposition (le PDP qui dirigea le pays de 1999 à 2015), a recueilli 6,9 millions de voix. L’outsider Peter Obi, du Parti travailliste (LP), dont la popularité auprès des jeunes a donné un nouvel élan à cette campagne, a remporté 6,1 millions de voix.
À 70 ans, cet ancien gouverneur de Lagos, surnommé «le parrain» à cause de son immense influence politique, succède à Muhammadu Buhari, 80 ans, qui se retire après deux mandats comme le veut la Constitution. De nombreuses accusations de corruption jalonnent la carrière de Bola Tinubu, mais il n’a jamais été condamné et les a toujours démenties. Avec 216 millions d’habitants et une démographie galopante, le Nigeria devrait devenir, en 2050, le troisième pays le plus peuplé au monde, dans une Afrique de l’Ouest menacée par un fort recul démocratique et la propagation de violences djihadistes.
Bola Tinubu, de confession musulmane, hérite donc d’une myriade de problèmes, alors que de très graves pénuries de billets de banque et d’essence, plusieurs semaines avant le scrutin, ont aggravé la colère déjà grande des Nigérians contre le pouvoir. Pendant quatre ans, le nouveau président aura la lourde tâche de redresser le géant anglophone, de lutter contre la corruption, la pauvreté, l’insécurité et l’inflation. L’inflation est en effet galopante.
Elle atteint 23 % sur un an et les prix de l’alimentation ont bondi de près de 25 %. «Les ménages nigérians, quelle que soit leur tranche de revenu, connaissent une baisse de leur revenu réel moyen en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires, des engrais et du carburant depuis le début de la guerre russo-ukrainienne», selon une étude du Finance for Development Lab, un think tank lié à l’École d’économie de Paris.
Pourtant, le pays est un grand producteur de pétrole. Il aurait dû profiter de la manne avec la flambée des prix de l’or noir qui a suivi la guerre en Ukraine. Mais cela n’a pas été le cas. L’insécurité a fait fuir les compagnies pétrolières occidentales et a conduit à un sous-investissement dans le secteur. Pire, les siphonages sont estimés à 250 000 barils par jour. Or, la manne pétrolière est critique. Il s’agit de la première source de devises étrangères et de recettes fiscales pour l’État. Et comme les importations ont tendance à augmenter, la demande de devises étrangères augmente. Le pays en manque et les investisseurs s’attendent à une prochaine dévaluation du naira, la monnaie nigériane dont le cours est contrôlé. Ce qui aggraverait au moins temporairement l’inflation.
D’autres chantiers économiques devront être lancés. L’agriculture nigériane permettait l’autosuffisance alimentaire avant l’arrivée de la manne pétrolière. Mais désormais, elle est insuffisamment productive. Les difficultés du nouvel exécutif ne vont donc pas manquer.