Des eurodéputés sous le choc et inquiets pour l’image de l’institution. Le 11 décembre, la justice belge a annoncé avoir placé quatre personnes en détention, dont Eva Kaili, la vice-présidente socialiste grecque du Parlement européen. L’accusation est gravissime : « Appartenance à une organisation criminelle, blanchiment d’argent et corruption ». Avec l’ancien eurodéputé italien socialiste Pier Antonio Panzeri, elle est soupçonnée d’avoir reçu de l’argent du Qatar pour orienter les travaux de l’institution.
Eva Kaili s’était rendue début novembre au Qatar où elle avait salué en présence du ministre qatari du Travail les réformes de l’émirat dans ce secteur. « Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail », avait aussi affirmé la Grecque le 22 novembre à la tribune du Parlement européen. Ces propos avaient suscité des remous dans les rangs de la gauche. De quoi faire réagir l’eurodéputée française Manon Aubry (gauche radicale) qui a dénoncé « le lobbying agressif du Qatar », et exigé un débat sur le sujet à Strasbourg, où le Parlement se réunit en session plénière.
Parmi les faits reprochés au Qatar, son ingérence et son influence sur les décisions du Parlement européen en matière d’économie et de politique. Une influence discrète mais bien réelle permise grâce au versement de « grosses sommes d’argent ou en offrant des cadeaux importants à des tiers avec une position politique et/ou stratégique significative au sein du Parlement européen », comme le révèle un communiqué du procureur fédéral du royaume belge.
« Nous ferons tout ce qui est notre pouvoir pour coopérer avec la justice », a tweeté pour sa part la présidente du Parlement, la Maltaise Roberta Metsola. Au soir du 10 décembre, elle a pris une première sanction contre Eva Kaili en lui retirant toutes les tâches qu’elle lui avait déléguées, notamment celle de la représenter au Moyen-Orient. À la demande du groupe Renew, tous les dossiers dans lesquels cette vice-présidente était impliquée seront bientôt passés au scanner. Des membres du Parlement européen, dont le chef de file des Verts, Philippe Lamberts, réclament sa démission. La procédure devrait être lancée incessamment.
Francesco Giorgi, compagnon de l’eurodéputée et conseiller pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au Parlement européen, est aussi écroué. Tout comme l’ex-député européen Pier-Antonio Panzeri, devenu en 2019 le fondateur et le président de Fight Impunity, une association dédiée à « la lutte contre l’impunité pour de sérieuses violations des droits humains ». Il y avait chez lui des sacs contenant 600 000 euros en liquide. Sa femme et sa fille ont été interpellées en Italie. En revanche, le père d’Eva Kaili a été libéré. Luca Visentini, secrétaire général de la Confédération syndicale internationale depuis novembre dernier et ancien patron de la Confédération européenne des syndicats a été laissé en liberté sous conditions.