Bola Ahmed Tinubu, surnommé le «parrain de Lagos», en raison de son long mandat de gouverneur de la capitale économique nigériane, est donc officiellement devenu à 71 ans président du Nigeria. L’un de ses défis majeurs est de rassembler les Nigérians. Seuls 37 % des électeurs ont soutenu Bola Tinubu, ce qui fait de lui le président nigérian élu avec le moins de voix depuis 1999.
Il devra faire preuve d’un grand sens de l’équilibre lorsqu’il s’agira de choisir son gouvernement pour jeter des ponts au-delà de ces clivages. Certains signes indiquent qu’il s’y emploie déjà, puisqu’il aurait rencontré deux hommes politiques de l’opposition depuis qu’il a remporté le scrutin de février : Musa Kwankwaso, un puissant rival du nord, qui est arrivé en troisième position ; et Nyesom Wike, l’influent gouverneur sortant de l’État de Rivers. En tant que gouverneur de Lagos, Bola Tinubu a probablement eu le cabinet le plus diversifié sur le plan ethnique au Nigeria. Deuxième défi majeur : mettre fin à la subvention des carburants.
Malgré ses richesses pétrolières, le Nigeria n’est pas en mesure de raffiner suffisamment de brut pour répondre à la demande locale ; il importe donc des produits pétroliers, qui sont ensuite vendus à un prix fixé par le gouvernement. Comme ce prix est généralement inférieur au prix d’importation, le gouvernement paie la différence. Mais ces subventions pèsent lourdement sur des finances publiques qui s’amenuisent. L’année dernière elle a englouti 9,3 milliards de dollars et pour le premier semestre de cette année, 7,2 milliards de dollars ont été budgétisés. Autre chantier, redresser l’économie.
Au Nigeria, une personne sur trois est au chômage. L’inflation atteint le taux record de 22 %. 96 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté de 1,90 dollar par jour. Le PIB par habitant (la production économique réalisée en un an par une personne moyenne) était de 2 065 dollars en 2021 (contre 70 248 dollars pour les États-Unis et 46 510 dollars pour le Royaume-Uni). L’utilisation de la technologie par Bola Tinubu pour améliorer la collecte des impôts à Lagos a été remarquable, augmentant les recettes de plus de 400 % en huit ans. Restaurer la sécurité, une véritable hantise.
Bola Tinubu s’emparera rapidement de cette question, compte tenu de l’ampleur du problème. Son administration devra faire face à des criminels armés circulant à moto dans le nord-ouest, à des enlèvements dans tout le pays et à un groupe sécessionniste violent dans le sud-est. Les affrontements meurtriers entre agriculteurs et éleveurs se poursuivent également dans les États du centre du pays. Au cours de la campagne électorale, le colistier de Bola Tinubu, Kashim Shettima, aujourd’hui vice-président, a déclaré que ce serait sa mission, en faisant valoir son expérience en tant que gouverneur de l’État de Borno, dans le nord-est du pays, qui abrite de nombreux groupes militants islamistes et l’insurrection de Boko Haram. Enfin, Bola Tinubu devra garder la forme.